jeudi 12 décembre 2013

PRESENT D'USAGE



Le présent d’usage est une gratification particulière qui échappe à l’application des règles civiles et fiscales applicables aux donations.

Définition.
Les présents d’usage ont été définis par la cour de cassation (Chambre civile 1, du 6 décembre 1988, 87-15.083).

« Les présents d'usage, qui échappent aux règles des donations, sont les cadeaux faits à l'occasion de certains événements, conformément à un usage, et n'excédant pas une certaine valeur »

L’article 852 alinéa 2 du code civil précise que « le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant »

La qualification de présent d’usage peut être reconnue aux deux conditions cumulatives suivantes :
  • Le cadeau est effectué à l’occasion d’un événement, 
  • Et la valeur du cadeau est raisonnablement proportionnée par rapport au patrimoine du disposant au jour du présent. 

Lorsque la libéralité est qualifiée de présent d’usage, cette constatation entraine des conséquences multiples :
  • Irrévocabilité de la gratification, 
  • Dispense de réduction, 
  • Dispense de rapport civil, 
  • Dispense de rappel fiscal, 
  • Dispense de droits de mutation à titre gratuit. 
Remarque : nous ne traiterons ici que du rapport présent d'usage et droit des libéralités et des successions.

I.- Qualification de présent d’usage.

Il n’existe aucune règle prédéfinie de la proportion que doit avoir le présent d’usage au regard du patrimoine du disposant, il s’agit de situations de faits appréciés au cas par cas par les magistrats.

L’administration fiscale refuse également de fixer des critères préétablis (Rescrit n°2013/05 (ENR) du 3 avril 2013).

Il appartient au disposant généreux de savoir garder la juste mesure du geste.

Les évènements pouvant donner lieu à réalisation de dons manuels sont notamment : anniversaire, réussite à un examen, réussite à un concours, fiançailles, mariage, baptême, communion, fêtes, promotion professionnelle.

1.- Présents d’usage reconnus par la jurisprudence

  • Remise de chèques pour les fêtes de Noël : « Considérant que le fait pour une mère de famille d’offrir un présent à ses enfants à l’occasion des fêtes de Noël constitue à l’évidence un présent d’usage. » cour d’appel de Paris 1ère chambre du 11 avril 2002 (n°2001/03791) Dans cette espèce deux chèques d’un montant global de 200.000 Francs pour un patrimoine de 8.200.000 Francs. 
  • Remise d’aquarelles pour un mariage : « les huit aquarelles litigieuses avaient été données par Henri Y... à sa fille Alix à l'occasion de son mariage et, qu'à cette époque, en 1975, la valeur de l'ensemble était de l'ordre de 70 000 francs ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'elle a estimé, en se plaçant à bon droit à l'époque de la donation, et compte tenu de la fortune d'Henri Y..., qu'il s'agissait de présents d'usage qui n'avaient pas à être rapportés » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 10 mai 1995, 93-15.187, Publié au bulletin) 
  • « Mme Berthe F. disposait d'une retraite et de la pension de réversion de son époux (plus de 2.200 euros par mois, selon les montants versés sur son compte bancaire), qu'elle n'avait qu'à faire face aux charges de la vie courante étant précisé qu'elle était propriétaire de son logement, les sommes versées à ses petites filles à l'occasion de leur anniversaire (avril pour Rachel et novembre pour Catherine et Mireille), pour ses arrières petits enfants (baptême du fils de Rachel, mariage d'Hugues, fils de Catherine en mai 2001) ou pour des événements importants (mariage, naissance d'un enfant ou même anniversaire de mariage de Catherine fin mai 2001) doivent être qualifiées de présents d'usage, compte tenu de leur montant limité » Cour d’appel de Douai Chambre 1, section 1, 23 mai 2013 n°268/2013, 09/03321 
  • « la production de certains talons de chèques qu'Audrey H. a reçu de Mme Nelly R. :- 200 euros le 1er juin 2006 (annotation de la main de la défunte : fête - 200 euros le 2 juin 2007 - 200 euros le 20 février 2007 - 200 euros le 24 décembre 2007. Ces montants sont limités au regard des ressources mensuelles de la défunte (1.000 euros par mois de pension et de revenus financiers) ; ils correspondent, en outre pour la plupart, à des circonstances particulières, à savoir la fête d'Audrey ou Noël. Ils doivent donc être qualifiés de présents d'usage et n'ont pas à être pris en compte lors du calcul de la quotité disponible. » Cour d’appel de Douai, chambre 1 section 1, 25 juin 2012 n°411/12, 11/04995 
  • « la Cour, en constatant expressément que (l’époux) jouissait de revenus très importants, qu'il possédait déjà deux automobiles, et qu'il résultait des circonstances de la cause que c'était à l'occasion d'un anniversaire de naissance (de l’épouse) que la voiture avait été donnée, a légalement caractérisé le présent d'usage; d'où il s'ensuit que le don ainsi fait était irrévocable comme elle l'a déclaré » Cass. Civ . 1ère 15 octobre 1963, n°59-11950 

2.- Présents d'usage non reconnus par la jurisprudence. 

  • Chèque émis deux mois après l’anniversaire d’un montant trop important en rapport avec le patrimoine du donateur. Cour d'appel de Nîmes Chambre civile 1, 19 avril 2011 n°10/00067 
  • Censure d’une cour d’appel ayant retenu la qualification de présent d’usage « sans préciser à l’occasion de quel événement et selon quel usage (le défunt) avait fait de tels cadeaux à son fils et sa belle-fille » Cass. Civ. 1ère 25 septembre 2013 n°12-17.556 
  • « que seuls les présents d'usage échappaient au rapport successoral ; qu'en l'espèce, le montant de la dépense était conséquent ; que Mme Y... n'avait pas indiqué les circonstances particulières qui justifiaient un présent de cette importance ; qu'il convenait ainsi de confirmer les dispositions du jugement qui avaient considéré comme rapportable la somme de 1143, 37 euro » Cass. Civ.1ère 10 octobre 2012 n°11-19394 
  • « Que les présents d’usage, qui s’échappent au rapport, supposant, pour leur qualification, que soit caractérisée l’occasion qui justifie le cadeau dans son principe et son montant, et qu’en s’abstenant de caractériser à quelle occasion feue Gabrielle R. avait fait ces cadeaux à sa petite-fille et à son concubin, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 852 du Code civil » Cass. Civ. 1ère 4 juillet 2007, n°06-17310 ; 
  • Remise d’un chèque bancaire par un époux à son épouse libellé sans indication de somme complété par l’épouse pour un montant de 60.754,30 Francs qualifié de présent d’usage par les juges du fonds mais censuré par la Cour de cassation : « Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir exactement relevé que les présents d'usage, qui échappent aux règles des donations, sont les cadeaux faits à l'occasion de certains événements, conformément à un usage, et n'excédant pas une certaine valeur, sans avoir précisé à l'occasion de quel événement M. Bongiraud avait fait un cadeau à son épouse et conformément à quel usage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » Cass. Civ. 1ère 6 décembre 1988 n°87-15083 
  • « Mme G., gratifiée d'une bergère Louis XV et d'un tableau 'le Duc de Penthièvre', se borne à soutenir que ces meubles ont une valeur modique et qu'ils ont été donnés à une occasion précise, sans préciser laquelle et sans fournir d'élément sur la fortune de ses parents, de sorte qu'elle ne peut valablement invoquer la qualification de présents d'usage » Cour d’appel de Paris Pôle 3 chambre 1 3 juillet 2013 n°12/14665 
  • « qu'il y a lieu de rappeler les sommes de 15.000 et 1.800 euros correspondant aux 2 chèques remis par la défunte à sa fille en janvier et octobre 2004, qui ne peuvent, compte tenu de l'importance de la somme concernée et de la remise d'un autre chèque de 20.000 euros à l'intéressée en novembre pour son anniversaire, correspondre à des présents d'usage, étant observé que le revenu imposable de la défunte en 2004 n'était que de 23.522 euros » Cour d’appel de Chambéry Chambre civile, section 1, 7 mai 2013, n°11/02915. 
  • « aucun élément matériel ne permet de caractériser le fait que cette somme de 76.000 euro a été donnée par M. D. courant septembre 2004 spécialement à l'occasion du mariage qui avait eu lieu le 22 mai 2004 alors que d'autres versements ont été effectués antérieurement et que la date du versement de la somme de 76.000 euro coïncide avec l'acquisition du fonds de commerce qui est intervenue le 1er octobre 2004 ; que contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, il n'est pas établi que la somme de 76.000 euro a été remise à Mme B. comme cadeau de mariage ; que le premier critère exigé pour caractériser le présent d'usage n'étant pas constitué, il n'y a pas lieu de rechercher si le montant de la donation était ou non modeste eu égard à la situation de fortune de M. D. » Cour d’appel de Poitiers, Chambre civile 3, 13 février 2013, n°74, 12/00365. 
  • « Considérant que, pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à l'infirmation de la décision de rejet de sa réclamation relative à la réintégration à l'actif successoral de la somme de 36 779,35 euros au titre des dons manuels, Mme K. fait valoir qu'à l'exception d'une somme de 3000 euros débitée le 10 juillet 2003, les sommes réintégrées par l'administration à l'actif successoral constituaient des présents d'usage non taxables, à savoir des étrennes (janvier 2012 (2 300 euros) et février 2012 (8 671,43 euros)) ou des cadeaux d'anniversaire (6 et 7 mai 2012 : 6 100 euros et 14 707,92 euros), ces présents étant en rapport avec l'état de fortune de la défunte qui disposait de ressources annuelles de près de 120 000 euros, d'épargne (160 000 euros) et de l'usufruit de deux immeubles ; Mais considérant qu'ainsi que le relève l'administration, les dons perçus par Mme K. au cours de l'année 2012, qui se sont élevés à la somme totale de 33 779,35 euros, ne peuvent être considérés comme en rapport avec l'état de fortune de la défunte dès lors que la pension que percevait Mme C. à titre de grand invalide de guerre n'avait pu lui être attribuée qu'afin de l'aider à subvenir à ses besoins, qu'elle n'était pas imposable, ayant à ce titre sollicité à ce titre des exonérations de taxes foncières, et que les cessions de la nue-propriété de ses deux immeubles n'avaient été consenties, l'une qu'à charge pour l'acquéreur (soeur de Mme K.) de lui prodiguer des soins et l'autre moyennant une rente trimestrielle de 457,35 euros ; qu'il sera, en outre observé que l'usufruit de biens immobiliers est difficilement monnayable et que l'épargne dont disposait en 2003 une personne invalide née en 1923 ne peut qu'être considérée comme une épargne de précaution ; Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que les sommes reçues par Mme K. constituaient des donations au sens de l'article 784 du CGI et par conséquent en toutes ses dispositions » Cour d’appel de Paris Pôle 5 chambre 7 du 15 janvier 2013, n°2011/14646. 

II.- Conséquences de la qualification de présent d'usage.

1.- Exclusion des causes de révocabilité des donations.
Alors qu’une libéralité classique peut être sujette à révocabilité pour dans les cas d’ingratitude du donataire, de survenance d’enfant du donateur ou pour non exécution des charges par le donataire (Articles 953 et suivants du Code civil), le présent d’usage ne peut être remis en cause pour ces raisons.
Exemple : Les présents d’usage ne sont pas dotés du régime des donations véritables et ne sont pas soumis à la révocabilité pour ingratitude (Angers, 25 février 1905) 
Le présent d’usage est donc irrévocable. 

2.- Exclusion des règles de la réunion fictive et du rapport civil.

Réunion fictive.

Lorsque la qualification de libéralité est retenue et que l'on se trouve en présence d'une succession avec héritiers réservataires (descendant ou conjoint survivant), les libéralités doivent être prises en compte pour la détermination de la masse de calcul de la quotité disponible et peuvent être sujettes à réduction si la réserve est atteinte.

Le présent d’usage n’est pas à prendre en compte au nombre des libéralités consenties par le défunt dans le calcul de la réunion fictive (Article 922 du code civil), il ne peut donc faire l’objet d’une réduction. 

Rapport civil.

Le rapport est l'opération par laquelle les cohéritiers ajoutent à la masse à partager entre eux les donations en avancement de part successorale. La libéralité dont a bénéficié l'héritier vient en déduction de ses droits sur la masse à partager. (Article 843 et suivants du code civil)
Le présent d'usage ne doit pas être rapporté par le gratifié. C'est donc un avantage par rapport à une donation 'classique'.

3.- Absence de droits de mutation à titre gratuit et de rappel fiscal.

Au niveau fiscal, la reconnaissance de la qualité de don manuel est importante car elle permet d’échapper à toute taxation et toute prise en compte dans le rappel fiscal des donations antérieures de l’article 784 du code général des impôts.

C’est ainsi que la doctrine administrative précise que
« (…)il est admis de ne pas opposer les dispositions de l'article 784 du CGI aux dons manuels ayant le caractère de présents d'usage au sens de l'article 852 du Code civil. Ce caractère peut généralement être reconnu aux cadeaux faits aux enfants mineurs par des membres et des amis de la famille. » BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10-20130403

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire